[Blogueur collaborateur 2017] Elles et moi conversation avec Lareus Gangoueus

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Je salue le beau hasard qui permet à Tchonté Silué benjamine de l’équipe 2017 de la la contribution digitale à la Journée Internationale de la femme africaine de céder la place à un autre amoureux des livres en la personne de Lareus Gangoueus blogueur et critique littéraire. Chers lecteurs adorés, les plus fidèles d’entre vous ont déjà eu à faire brièvement connaissance avec ce critique littéraire par le biais d’une promenade bloguesque au masculin publiée en début d’année. Je ne pouvais trouver meilleur interlocuteur pour une causerie autour des plumes africaines, mais pas que…. nous ferons quelques détours par des chemins de traverse pour multiplier les chances de mettre en lumière les 1001 de la femme africaine.

Je vous laisse découvrir notre échange.

Avant toute chose merci d’avoir accepté l’invitation de la contribution digitale à la JIFA. A ce propos, connaissiez-vous cette journée avant que je ne vous contacte ? Quel est votre sentiment sur le fait d’avoir une journée dédiée en 2017 sachant qu’en plus il y’a déjà le 8 mars ?

Je ne connaissais pas très bien cette initiative avant que vous ne me contactiez pour participer. Je suivais en dilettante le mur sur Twitter de la JIFA 2017 sans avoir pris le temps de creuser le sujet. C’est un défaut que je reconnais, je suis tellement attaché à l’animation de mon blog ou de mes émissions littéraires que souvent je n’observe pas ce qui se fait autour de moi.

1/ Lorsque vous plongez dans votre enfance, quelles figures féminines vous viennent en mémoire ?

Ma mère évidemment. Marcelline Ampila-Ngangoué. Une femme exceptionnelle. Je pourrai écrire un roman pour raconter sa vie, ses choix, ses combats. Je suis né sur les bancs de l’université alors que ma mère abordait la première session d’examens de sa maîtrise en biochimie. Elle a réussi soutenir une thèse 3ème cycle dans le domaine en étant une mère présente et ingénieuse. C’est encore sa voix que j’entends quand mes parents ont décidé de rentrer au Congo pour travailler pour leur pays. Comment mener sa vie quand on est à la fois chercheuse, épouse, mère en Afrique avec les moyens limités qu’offre un pays comme le Congo à ses élites évoluant dans la recherche ? Ma mère est une des premières femmes dans son domaine et elles éclipsent toutes les autres figures féminines possibles dans mon enfance. Cependant, je pense à d’autres femmes, assez proches d’elles aussi, cadres, médecins qui ont été confrontés à des hommes qui culturellement supportaient d’avoir un alter égo leur tenant tête, malgré l’ouverture au monde occidental. Des femmes qui ont été capables de dire non et d’assumer leur désir de liberté. Je pense aussi à ma grand-mère maternelle Joséphine Nsayouolo.

2/ A présent que vous êtes adulte, comment décririez-vous la femme congolaise à un ressortissant d’un autre pays ?

Je n’ai pas la prétention de connaitre la femme congolaise. Je ne sais donc pas répondre à votre question qui me ferait tomber dans des généralités plates. J’ai une femme congolaise que j’aime depuis bientôt treize ans. Mais, elle est si singulière que je ne pourrais partir de ce qu’elle représente pour moi pour parler des femmes congolaises. J’ai tout de même le sentiment que la congolaise que je côtoie en Europe est à l’image de celles que j’ai connues au Congo : relativement libre dans ses mouvements et ses initiatives.

3/ Puisque nous tenons un blogueur et critique littéraire qui a chroniqué bon nombre d’ouvrages d’ auteures africaines, des plus novices aux classiques du genre, à la question existe t-il une littérature féminine africaine, quelle est votre réponse ?

Il existe une littérature féminine africaine. Une prise de parole des femmes d’Afrique par le prisme de la littérature. Il y a les icônes assez connues comme Mariama Bâ (Sénégal) auteur de deux romans magnifiques, à savoir Une si longue lettre et Un chant écarlate, Aminata Sow Fall (Sénégal), Buchi Emecheta (Nigeria), Nadine Gordimer (Afrique du Sud), Ken Bugul (Sénégal), Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire), Léonora Miano (Cameroun), Khadi Hane (Sénégal) ou récemment Chimamanda Ngozi Adichie… En fait, il est ridicule de les énumérer parce que la liste est loin d’être exhaustive. Mais l’exercice que vous nous proposez mérite que les lecteurs puissent avoir quelques références. Oui, il y a une littérature féminine avec des approches en termes de narration qui ne me semblent pas axées sur les effets de style et une forme de reconnaissance que les écrivains africains recherchent souvent. C’est un constat personnel. Les femmes en littérature africaine, sont beaucoup plus marquées par la volonté de dire, de raconter des problématiques de société qui les écrasent et d’aller au fond des choses. Cela donne des textes où le cœur à cœur est profond, entre écrivain et lecteur. On peut entendre cela dans l’échange épistolaire que Mariama Bâ propose dans Une si longue lettre sur le thème de la polygamie ou celui de la quête identitaire d’une étudiante africaine en Europe avec Le baobab fou de Ken Bugul. Si la préoccupation du style n’est pas l’exigence première que j’observe, cela ne signifie pas que les romans soient mal écrits. Bien au contraire. Vous n’avez qu’à lire Léonora Miano, Chimamanda Ngozi Adichie ou Petina Gappah pour vous faire une idée.

4/ Sortant un instant de la littérature, quelles femmes d’autres pays africains avez-vous déjà fréquenté et qu’est-ce qui vous a marqué chez elles ? Bien entendu, je ne fais appel qu’à vos souvenirs, puisque comme tout homme marié et heureux vous êtes désormais aveugle. SouRIRES !

La question est générale et je ne sais pas y répondre. J’ai vécu en Côte d’Ivoire trois ans, j’ai été amusé par la coquetterie des étudiantes ivoiriennes. Que peut-on tirer d’une telle observation ? Je côtoie des femmes d’origine camerounaise en France et je trouve qu’elles sont souvent très bien formées, engageantes et entreprenantes. Mais, qu’est-ce que vaut cette remarque ?

5/ Votre blog souffle ses 10 bougies cette année, vous avez fait la part belle aux plumes féminines du continent, quelles sont les thèmes qui vous ont frappé et pourquoi ?

Les thèmes qui m’ont le plus marqué en littérature féminine africaine c’est le rapport au patriarcat. Avec différentes déclinaisons comme la question de la polygamie, ou celle de la dot (Buchi Emecheta). C’est dommage que la question ne s’étende pas aux Îles, je veux dire aux Caraïbes. Le traitement de l’immigration est important avec des romans comme Celles qui attendent de Fatou Diome ou Les désenfantés de Nathalie M’Dela-Mounier qui offrent des développements assez troublants. Au-delà de cela, il y a pas mal de romans qui n’ont pas véritablement de thème si ce n’est une mise en scène de la condition aujourd’hui de la femme africaine dans les sociétés d’accueil européennes. Ainsi Fathia Radjabou (Je ne sais pas quoi faire de ma vie… Editions Présence Africaine), Muriel Diallo (La femme du Blanc, Éditions Vents d’ailleurs), Léonora Miano (Blues pour Élise, Plon) participent de la production de romans chorales très touchants.

6/ Quittons, le monde professionnel pour ouvrir le voile du privé et de la romance. Puisque vous êtes marié et que je suis pour la paix des ménages, nous allons changer un peu la question. Si vous déviez en faire une héroïne de roman, décrivez- nous la femme africaine de vos rêves ?

La femme africaine de mes rêves est pour moi celle qui arrive à faire la synthèse des mondes qui s’effondrent et se reconstruisent. Elle sait identifier, questionner ce qui a marché hier, elle sait intégrer les évolutions que peuvent proposer les autres sociétés que la mondialisation aujourd’hui ou la colonisation hier peuvent imposer. La femme africaine de mes rêves est capable de relecture du monde. Elle ne s’enferme pas dans l’individualisme triomphant et un mimétisme peu lucide. Elle fait preuve de conservatisme et d’ouverture.

7/ Et si je vous dis musique, voix féminine africaine? Vous me répondez…? Avec quelle chanson? Que représente t-elle pour vous?

La musique africaine ? Mbilia Bel. Cette femme a été fascinante. Elle incarne de la femme zaïroise, redevenue congolaise depuis. Dans ses rivalités, ses espérances, ses combats, son arrogance, sa soumission. C’est aussi la femme potiche, formée de toutes pièces par son pygmalion Tabu Ley. J’étais adolescent quand j’écoutais sans trop comprendre cette chanteuse. Mais, c’est la seule artiste de l’époque que j’écoute avec émotion. M’Pongo Love, Jolie Detta, Tshala Muana ou encore Faya Tess ne produisent pas cet effet. Dans la chanson interprétée par Mbilia Bel, il y a une puissance unique, une sensibilité non feinte ou forcée, une fierté et il est vrai une célébration de l’homme. J’aimerais évoquer un groupe unique dans les années 80 au Congo, à savoir Taz Bolingo. Ce groupe était constitué uniquement de femmes, du chant, des instrumentistes. Elles n’ont pas eu un grand succès, mais ce sont des figures de la musique congolaise auxquelles je pense encore. Vous remarquerez que mes marqueurs musicaux ne passent pas les années 90.

Enfin pour conclure, dites moi Réassi alias Gangoueus : quelle question auriez-vous aimé que je vous pose sur les femmes africaines ? Eh bien répondez-y comme si je l’avais posé !

Quel est le plus beau roman écrit par une femme que vous ayez lu ces derniers mois ? Le livre de Memory de la zimbabwéenne Petina Gappah en début d’année. Un roman total sur la question de l’albinisme avec plusieurs sous-thèmes comme la peine de mort, les femmes en univers carcéral en Afrique, un regard sur la société raciale zimbabwéenne. Un livre puissant et surprenant par la qualité de sa trame et l’introduction du shona qui apporte un plus au texte.

Merci Lareus Gangoueus pour cette conversation qui permettra aux uns et aux autres de piocher ici et là quelques références de plus à ajouter à leurs prochaines lectures. Je vous sais gré également de la découverte du groupe Taz Bolingo dont j’ignorais l’existence, et du plaisir que vous m’offrez de réentendre l’iconique Mbilia Bel.

A vous chers lecteurs de faire votre beurre de ce dialogue. Que vous inspire t-il ? Avez-vous eu quelques révélations ou confirmations quant aux noms évoqués par Lareus Gangoueus ? Vos impressions sont toujours les bienvenues dans les commentaires !

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