Dans la partie au masculin de l’édition 2015 de la contribution digitale à la Journée Internationale de la Femme Africaine, il y’a un héros l’homme absolu de la journée le docteur Denis Mukwege, un homme de loi l’as de pique maître Hamuli Réty, un historien bédéiste l’as de trèfle Serge Diantantu, et un roi de cœur en la personne du sociologue, romancier, essayiste et chargée de cours à l’université Dibakana Mankessi.
Si au départ ce sont ces deux essais “101 personnalités qui ont marqué les 50 ans (1960-2010) du Congo-Brazzaville” et “Figures contemporaines du changement social en Afrique” qui ont attiré mon attention, c’est par l’entremise de ses deux romans que j’ai été intriguée de découvrir un auteur qui choisit de se mettre dans la peau d’héroïnes. C’est assez rare dans la littérature africaine pour le souligner, surtout pour des premiers romans, car la plupart du temps, les auteurs se racontent sous couverts de fictions.
Si je suis quelque peu restée sur ma faim avec son premier roman “On m’appelait Ascension Férié” paru aux éditions de l’Harmattan en 2006 ; son deuxième roman “La brève histoire de ma mère” paru aux Éditions Acoria en 2010 m’a totalement enthousiasmé : le style, les personnages, l’histoire, les thèmes abordés en font malgré quelques coquilles et maladresses un roman que l’on a envie de relire, de partager, et c’est que j’ai fais d’ailleurs en le passant à mon groupe de lecture de premiers romans. J’ai été ravie qu’à une exception près, tous ont apprécié cette fiction atypique à tous les sens du terme.
Au départ, je pensais m’arrêter à une présentation comme pour toutes les autres altesses au masculin, et, puis je me suis dis “qui ne tente rien, n’a rien”. Voyons si cet auteur est accessible, annonçons lui notre intention et avisons ensuite !
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Dibakana Mankessi a accepté mon invitation, voici ses réponses à mes questions :
G.B. : Pourquoi vos deux romans ont-il des femmes pour personnages principaux ?
D.M : Cela est connu de tous : la femme est généralement un être plus “mûr” que l’homme, que son corps biologique (les changements cycliques vécus tout au long de la vie) et son statut dans la société (mère, épouse,..) font d’elle un être complexe… de plus, elle semble plus expressive dans les sentiments que les hommes. Schématiquement, il me semble que l’homme est plus dans la retenue que la femme (par exemple, en Afrique – mais aussi de nombreuses autres cultures – un homme est censé ne jamais pleurer, alors que la femme…) Et puis, la femme reste un être mystérieux qui a toujours eu toute mon admiration (et ma crainte aussi… rires). Et puis je fais partie de ces hommes qui sont très admiratifs de leur mère… Voilà, je pense que tous ces éléments jouent en faveur de mon choix de me mettre dans la peau des femmes… Et puis, c’est aussi un défi personnel : réussir à être une femme, à sentir, à penser comme une femme le temps d’un livre…
G.B : Est-ce volontaire dès le départ ?
D.M : Pas vraiment. J’envisage d’abord un “schéma d’histoire”, et je pense ensuite à la nature/qualité des acteurs… C’est ensuite que je décide qu’il faudrait une femme pour jouer tel rôle, il faut qu’elle soit comme ceci ou comme cela… parce que ce serait plus impactant, plus crédible… Apparemment ça marche plutôt bien puisque plusieurs lecteurs de l’un ou l’autre roman m’ont demandé si l’histoire était “vraie”, si c’était “du vécu”… J’aime bien cette façon de tenir le lecteur par la main et de le faire entrer dans une histoire de telle sorte qu’il croit que c’est du “réel”… bien qu’il sache qu’il s’agit d’une “fiction”… Ces questions de lecteurs montrent que c’est à peu près réussi…
G.B : Comment se fait le choix des prénoms de vos personnages ?
D.M : J’aime bien l’idée d’étonner et de faire sourire le lecteur par des petits détails tout au long du livre. Pour l’heure tout ce que j’ai écrit comme “fiction” se déroule en Afrique et la plupart des personnages sont Africains. Or l’Afrique est assise en même temps sur son “passé” et sur la “modernité occidentale”, la “modernité africaine” est donc en train de se construire en associant les deux, sur tous les plans. Les emprunts, je dis bien sur tous les plans, sont parfois assez “cocasses”, sinon “maladroits”. C’est pourquoi par exemple il n’est pas rare sur le continent d’avoir des gens prénommés “Jour de l’an”, “Épiphanie”, “Christ roi”, “Ascension”, etc. qui ne sont pas des prénoms mais des événements. Pourtant pour faire comme les Blancs, disent-ils, des parents se servent du calendrier grégorien pour donner des prénoms à leur enfant… Parallèlement, certains ont gardé des prénoms africains qui font rire aux éclats les élèves dans les cours de récréation… Je joue sur tout cela… Une fois encore, le choix du prénom dépend du “casting”, tel personnage aura tel prénom parce qu’il aura tel place dans l’histoire, tel autre, tel prénom, etc. En revanche, en commençant une histoire, j’ignore souvent comment elle va se terminer et je ne connais donc pas tous les personnages qui “entreront en scène”, j’ignore donc leurs prénoms avant qu’ils n’apparaissent… C’est au fur et à mesure…
G.B : Quelles ont été vos sources d’inspirations ?
D.M : La vie quotidienne, les interrogations de la vie… Par exemple : qu’est-ce que l’amour ? Jusqu’à quel point peut-on aller par amour pour ses parents (dans La brève histoire de ma mère, ces enfants qui se mobilisent pour veiller leur mère, et qui finalement se lassent un par un jusqu’à… ) Et puis ce constat signalé plus haut : qu’est-ce que l’Afrique fait de son passé (ses “traditions”), que fait-elle de ce qui lui vient d’ailleurs ? Comment construit-elle sa modernité ? L’un des malheurs du continent n’est-il pas de trop “copier” ce qui lui vient d’ailleurs tout en reniant ses propres valeurs ? Ainsi la mise en scène dans ce premier roman de ce maire qui après un séjour en Europe vient instaurer l’obligation des prénoms (il suffit de regarder le calendrier, dit-il), l’obligation du port de la cravate à tous ces concitoyens, etc. Ces cas de figure ne sont pas si “romanesques”, ils existent dans la réalité : Mobutu, le grand Léopard, n’avait-il pas interdit le port du costume européen et de la cravate, n’avait-il pas interdit l’adoption des prénoms occidentaux ? Il s’agit ici d’un mouvement contraire à celui décrit dans “On m’appelait Ascension Férié”, mais le principe reste le même… Comme pour le prénom, les caractères des protagonistes dépendent du rôle que je vais leur faire jouer dans l’histoire…
Je lui ai posé une ultime question sur sa muse africaine, une femme qui hors de la sphère privée ou familiale a été ou est une source d’inspiration, vous trouverez sa réponse par ici : mon égérie africaine .
Merci à Dibakana Mankessi d’avoir accepter mon invitation, et, comme l’adage dit “jamais deux sans trois”, espérons que son troisième roman fera lui aussi la part belle au féminin…. C’est à suivre…
Entrepreneure sociale et solidaire avec @assosolos en qualité de guide en marketing & communication pour solopreneurs & associations. Chez moi, violon d’Ingres et engagements forment un couple parfait notamment dans ce quatuor : Coordinatrice de la contribution digitale à la JIFA @www.journeefemmeafricaine.com, lectrice compulsive avec le comité @Festivalpremierromanchambery, citoyenne engagée avec le conseil de quartier @Democratieparticipativechambery et membre de la communauté web de Savoie @chambéCarnet. Pour m’écrire formulaire de contact ou grace.bailhache@gmail.com